Marc Kravetz est décédé dans la nuit du 27 au 28 octobre 2022. L’Association des anciens de l’UNEF présente ses sincères condoléances à sa famille, à ses amis, à ses camarades.
Né en 1942, il entre à l’Ecole normale supérieure de Saint-Cloud en 1961. En cette fin de guerre d’Algérie, il fait partie, comme nombre de militants, à la fois de l’UNEF et du Front universitaire antifasciste (FUA). Après la fin de la guerre en 1962, c’est du sein de cette “deuxième génération algérienne” que vont surgir de nouvelles orientations pour le syndicat étudiant. Marc Kravetz, comme Jean-Louis Péninou, Antoine Griset et plus largement la FGEL (Association parisienne des étudiants en lettres de l’UNEF) sont la colonne vertébrale de ce qu’on appelle “la gauche syndicale”. Marc Kravetz est president de la FGEL en 1964, comme l’ont été Jean-Louis Péninou et, avant eux, Antoine Griset. La MNEF est, dans la vision de cette gauche syndicale et de la FGEL, un terrain d’expérimentation pour cette nouvelle orientation; en 1965 Kravetz est secretaire general de la mutuelle, dont Griset en 1964/1965 avait été le président, suivi par Henri de Lapparent puis par Christian Blanc. C’est l’époque de profondes réflexions sur les évolutions du milieu étudiant, du rôle de l’université dans le néo-capitalisme et la 5e République, la revue de la MNEF Recherches universitaires et le lancement commun MNEF/UNEF d’un Centre d’études et de recherches sur le syndicalisme (CERS).
Sous la signature de Marc Kravetz un document de travail est publié un dans un article des Temps Modernes, N°213, Février 1964 : « naissance d’un syndicalisme étudiant »
Sur la photographie:
Mai 1966, en Chine, Sur la photo, debout de gauche à droite, Rostain, un jeune chinois traducteur, Peninou , Kravetz, Hocquard et un « élu » étudiant permanent depuis au moins 10/15 ans. Il y avait aussi Alain Crombecque, mais il n’est pas sur la photo. L’invitation faisait suite à la présence au festival de l’UNEF à Marseille en septembre 1965. La délégation devant partir en mai 66, juste après le 55e congrès de l’UNEF (Grenoble), et le bureau préside par Terrel n’étant pas en situation d’y répondre c’est donc des anciens qui partent en Chine : Rostain, SG du bureau sortant, Peninou, président de la commission internationale, Kravetz encore SG de la MNEF, Crombecque et moi-même comme organisateur du festival de Marseille ! Nous avons été reçus par le ministre des affaire étrangères Chen Yi qui a dit en nous serrant la main « vous êtes les authentiques représentants de la jeunesse révolutionnaire » ……. sans commentaire. De retour en France fin mai on nous interroge sur la Révolution culturelle – à cette période plutôt de Palais- nous n’avions rien vu. Personne d’entre nous n’a fait de conférence ou autre. Voilà pour mes souvenirs
Jean Jacques Hocquard
voir notice biographique sur le site du Germe
Discours de Jean-Jacques Hocquard lors de l’hommage au Père-Lachaise du 14 novembre 2022
Cher Marc
Pour savoir écrire, il faut savoir lire, et pour savoir lire il faut savoir vivre.
On pourrait imaginer que c’est à toi que pensait ton vieil ennemi de jeunesse Guy Debord en écrivant cela.
Car tu as bien vécu. Et une vie formidable !
Ceux qui ont déjà parlé ou qui vont le faire, raconteront mieux que moi ce qu’a été cette vie.
Je me contenterai de te dire le plaisir que j’ai eu à être l’un de tes amis en rappelant quelques moments de ce qui fut notre vie
Nous avons, dans notre jeunesse, fait plusieurs voyages grâce a l’UNEF
Un est particulièrement reste ancré dans ma mémoire.
Alain Crombecque, Jean-Louis Peninou, Michel Rostain, toi et moi, en mai 1966 nous étions en chine où, le temps d’une poignée de main avec le ministre des affaires étrangères le maréchal Chen Yi, nous nous retrouvâmes » les représentants de la jeunesse révolutionnaire française ».
Et puis le retour, arrive Mai 68 qui mettra chacun à sa place.
Toi, tu vas fréquenter le journal Action, déjà une tentative de journalisme, puis les Cahiers de Mai.
Mais Action te permet déjà de rendre hommage à Armand Gatti que je t’ai fait rencontrer en mars 1968, un soir de première, ou avec ton père, tu assiste au théâtre de l’Est parisien à la représentation de sa pièce « les Treize soleils de la rue Saint-Blaise, »
Dans le numéro du journal consacré alors aux actions des lycéens, tu vas éditer la pièce qu’Armand Gatti vient d’écrire pour les lycéens sur la guerre du Vietnam «Les hauts plateaux ou Cinq leçons pour une lycéenne de mai ».
Une première période de journalisme s’achève.
En 1969, tu pars pour Nancy travailler au centre universitaire de coopération économique et social fondé par Bertrand Schwartz, le CUCES.
À cette époque, à la demande de Jack Lang, je deviens secrétaire général du festival mondial de théâtre universitaire qu’il a créé dans cette ville en 1963.
Connaissant tes talents, je te demande si tu veux faire un journal quotidien racontant le festival.
Journal modeste : quatre pages de format 21x 27.
Mais surtout tu vas rencontrer deux personnes qui vont avoir dans ta vie une grande importance : une dénommée Françoise Danaux plus connue sous le nom de Chacha ta compagne, et Jean-Paul Généraux plus connu sous le nom de Géné.
Rapidement tu quittes Nancy pour intégrer la faculté de Vincennes au département des sciences de l’éducation où tu seras assistant jusqu’à ton entrée à Libération ; mais avant de partir, tu as la gentillesse de me faire nommer chargé de cours, moi qui ne possède, comme diplôme, que mon certificat d’études primaires.
Le vrai journalisme enfin à Libération. le co-fondateur, Serge July va raconté votre rencontre.
Mais ton amitié avec Armand Gatti ne va que se renforcer.
Tu sais qu’il a eu le prix Albert Londres en 1954 et qu’il fut, avec Pierre Joffroy, l’un des grands journalistes des années 50.
Son écriture que tu aime et qui t’inspire, et comme tu l’écrit « Je lui dois d’être devenu le journaliste que j’ai toujours voulu être «.
Dans Libé, tu vas continuer à raconter ces créations de Berlin à Montbéliard.
Pour le Festival d’automne en 1974, Armand Gatti va travailler avec toi et Pierre Joffroy, son vieil ami pour écrire une pièce sur le journalisme où vous allez jouer votre propre rôle. Titre du journal « le Joint ». Les acteurs, dont André Wilms, porteront le poids des articles et des étudiants de l’université de Vincennes en seront les lecteurs et toi outre ton rôle tu tiens une chronique hebdomadaire dans le journal sous le titre « chronique du chat guérillero «
Gatti part ensuite pour Saint-Nazaire, invité par Gilles Durupt.
Le projet : répondre à la question : une ville ouvrière peut-elle libérer un dissident soviétique ?
C’est ainsi que d’octobre 1975 février 1976, Libération, va donner la parole à toute la dissidence de l’URSS. Tu feras des reportages remarqués de cette formidable aventure et ce, malgré quelques critiques qui viendront sur le tard.
Toujours en 1976, te voilà, avec Gatti, au festival d’Avignon. À l’issue de l’expérience de Saint-Nazaire ce dernier écrit « le Cheval qui se suicide par le feu ». C’est encore avec André Wilms et Hélène Chatelain que tu vas porter un texte renouvelé chaque jour devant un public passionné par cette expérience.
En 79 Liberation publie pendant 6 jours un entretien, inimaginable aujourd’hui : 2 à 3 pages quotidiennement sont consacrées à un dialogue entre Gatti et toi . Il y raconte sa vie, son oeuvre, depuis son enfance. Ce texte va le boulversé . L’année d’après il va entreprendre d’écrire le roman sur sa vie et son oeuvre qui, 20 ans plus tard paraîtra, aux editions Verdier sous le titre qu’il emprunte à ton article : « L’aventure de la parole errante »qui devient simplement « La parole errante «
J’arrête ici de d’énumérer vos rencontres : elles ne s’arrêteront jamais : voyages en Italie chez la mère de Gatti, articles dans les Cahiers Armand Gatti sur le journalisme, nombreuses préfaces, conférences sur les journalistes Gatti /Joffroy dans le lieu qui s’appelle toujours La Parole Errante, et qui accueilli vos anniversaires de 70 ans à vous trois Michel Rostain Jean-Louis Peninou et toi.
En accompagnant Gatti le poète, l’ami, comme toi prix Albert Londres, tu lui es resté fidèle jusqu’à sa disparition en 2017.
Reprenant le livre du grand poète persan Attar « la conférence des oiseaux », tu part faire le voyage des oiseaux, à la recherche du Simorgh tu seras la huppe fasciée l’oiseau qui, allant jusqu’en haut de la montagne découvre dans un miroir sa propre image.
Bon voyage Marc et, comme je l’ai dit ici même à un ami il y a trois ans, à bientôt.